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La pratique de l’excision au Mali - Assa Konte

Les mutilations génitales féminines

Assa Konte

Infirmière diplômée à la Haute Ecole de Santé de Genève
Membre de la Fondation Genevoise pour la Formation et la Recherche Médicales

Assa Konte

Parcours personnel

De formation sciences biologiques, je suis originaire du Mali (Bamako) et provenant de Banamba dans le cercle de Koulikoro. Infirmière diplômée à la Haute Ecole de Santé à Genève en novembre 2007. Par la suite j’ai effectué une formation de médiatrice culturelle dans le cadre des mutilations génitales féminines. Je suis actuellement en stage pour une durée de six mois (1er décembre 2007-31 mai 2008) auprès de la Fondation Genevoise pour la Formation et Recherche Médicales (GFMER) en collaboration avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans le but d’élargir mes compétences dans la recherche en lien avec mon thème de mémoire de fins d’études.
Les principales activités de ce stage consiste de mener une recherche au niveau des enseignements des mutilations génitales féminines MGF) dans les facultés de médecine/ écoles infirmières et/ou Sage-femme dans les pays de l’Afrique francophone notamment le Mali, Burkina-Faso, Sénégal, Mauritanie et la Guinée.Les MGF ne sont malheureusement pas encore instaurées dans les enseignements des futurs professionnels de santé. Cette recherche permettra d’introduire à l’avenir un enseignement spécifique sur les MGF dans les écoles afin de permettre aux jeunes de ces populations de comprendre les problèmes néfastes liés à ces pratiques.

Le but de la recherche

Les MGF sont des pratiques qui touchent l’intégrité corporelle des jeunes filles ou des femmes. Les fillettes doivent être instruites pour le développement d’une nation.
Cette étude nous permettra d’instaurer l’enseignement des MGF dans son approche préventive au profil des écoles de médecine, infirmières et sages-femmes dans les pays d’Afrique francophone notamment le Burkina-Faso, la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Il est important que ces futurs professionnels se soucient des problèmes liés à ces pratiques ainsi que le bon développement psychique, physique et sexuel des jeunes filles ou des femmes adultes.

Les mutilations génitales féminines

Mutilation génitale féminine

(Tiré de : Prolongeau, 2006, 12 décembre)

Définitions

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a, en 1998, décrit de manière large les mutilations sexuelles féminines dans une brochure du même nom, portant le sous-titre : « aperçu du problème ». De manière générale, elle a identifié que

  • La chirurgie génitale, tant traditionnelle que moderne, est pratiquée dans différentes sociétés pour toute une série de raisons médicales, esthétiques, physiologiques ou sociales. Le terme de mutilations sexuelles féminines, tel qu’il est employé ici, vise uniquement les actes chirurgicaux consistant en une excision rituelle, qui est pratiquée pour des raisons exclusivement culturelles et traditionnelles sur des fillettes ou des jeunes femmes, souvent sans leur consentement ou sans qu’elles en comprennent les conséquences (p.1).

Anatomie et physiologie du sexe féminin

Système reproductif de la femme

(Tiré de : Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, 2006, 15 septembre).
Purves et al. Life : The science of biology, 4e Edition. Reproduit avec la permission de Sinauer Associates. La puberté vers l'adolescence. Le corps :  manuel du propriétaire. Les organes génitaux féminins. Accès : http://www.sexualityandu.ca/parents/puberte-6-1.aspx

Il est à noter qu’il existe différents types de mutilations génitales féminines :

  • Type1 : « Clitoridectomie » ablation du prépuce avec ou  sans une partie partielle du clitoris
  • Type 2 : « Excision » ablation du clitoris avec ou sans excision partielle ou totale des petites lèvres
  • Type 3 : « Infibulation » ablation partielle ou totale des organes génitaux externes ( clitoris, petites et grandes lèvres)

Quelques inaperçus sur les raisons invoquées pour la pratique : Elles sont multiples 

  • Recommandation religieuse →  purification
  • Conformité sociale → facilite l’intégration dans la communauté
  • Préservation de l’identité féminine et culturelle
  • Passage de l’impubère à la femme pubère ou statut de la fillette à l’âge adulte
  • Fidélité envers l’époux et le contrôle de la sexualité
  • Sauvegarder la virginité

Complications à court, moyen et long terme de MGF

Je vais essayer de développer les principales conséquences des différents types de MG, à court et long terme, en me basant principalement sur l’étude de l’OMS déjà citée (1998).

Décès

Il est très difficile, voire impossible de chiffrer le nombre de décès dus aux MGF, aucune étude n’ayant été menée sur ce point. De nos jours, vu la lutte qui s’instaure contre les MGF, il est probable que les données seraient compliquées à obtenir, la pratique tendant à être faite de manière cachée ; du moins, nous pouvons le supposer. « La mort peut résulter d’une hémorragie massive (choc hémorragique), de la douleur et du traumatisme subi (choc neurogène) ou d’une infection grave généralisée (septicémie) » (p.26).

Hémorragie

Le clitoris étant une zone très vascularisée des organes génitaux externes, la complication la plus fréquente est le saignement abondant, surtout quand l’incision touche l’artère nourricière dans laquelle la pression sanguine est élevée (p. 27).
« Une hémorragie secondaire est également possible à la fin de la première semaine, à la suite d’une infection provoquant le décollement du caillot qui bouche l’artère. Une hémorragie aiguë ou prolongée peut provoquer une anémie ou même entraîner la mort si elle est massive » (p. 27).

Rétention urinaire due à la douleur

« La douleur, un œdème et une inflammation autour de la plaie opératoire peuvent déterminer une infection et, par voie de conséquence, une rétention d’urine ». Cette dernière peut durer quelques heures à quelques jours mais elle est généralement réversible.
La persistance de la douleur peut avoir des répercussions sur les jeunes excisées en provoquant un arrêt conscient de la miction car elles savent par expérience que les déchets éliminatoires sont acides. Cela peut aboutir à une rétention urinaire si cet arrêt est prolongé.

Infection

Les infections sont fréquentes et souvent dues à la non stérilisation, ou stérilisation inadéquate, des instruments utilisés. L’infection peut aussi survenir quelques jours post intervention, surtout si la cicatrice de la partie enlevée macère dans l’urine ou les matières fécales. Dans la plupart des excisions, la praticienne recommande de mettre du beurre de karité, substance grasse et nourrissante mais sans qualité antiseptique. De plus, « les instruments mal stérilisés et les matières fécales peuvent véhiculer des spores ou des bactéries responsables du tétanos ou de la gangrène » (p. 28).

Formation des chéloïdes

« Il existe une prédisposition génétique à la formation de chéloïdes (bourrelets cicatriciels) chez un grand nombre de tribus où l’on pratique les MGF. D’aspect très inesthétique, les chéloïdes vulvaires provoquent une grande détresse psychologique. On peut rarement s’en débarrasser, car leur ablation est en général suivie d’une nouvelle prolifération tissulaire » (p. 29).

Kyste dermoïde

Complication la plus courante à long terme des MGF, ce kyste « résulte de l’inclusion de tissu cutané dans la cicatrice » (p.28). Les glandes sudoripares normales de la peau vont ainsi continuer de sécréter et le kyste se remplit peu à peu. La grandeur des kystes dermoïdes est très variable, allant de la taille d’un petit pois à celle d’un pamplemousse ou même d’un ballon de football. S’ils ne sont guère dangereux, ces kystes sont très douloureux. Si le kyste est petit, l’attitude thérapeutique est de « voir venir » ; s’il est gros, il faut l’enlever chirurgicalement car il devient vraiment gênant ou peut s’infecter (pp. 28-29).

Névrome cicatriciel (tumeur constituée de tissu nerveux)

Suite à la fermeture totale de la plaie, le nerf clitoridien, qui a pu être enfermé dans un point de suture ou dans du tissu cicatriciel, provoque la formation d’un névrome. La vulve peut alors, par conséquent, être très sensible au contact (rapports sexuels, toilette, par exemple) (p.29).

Risque de VIH/Sida

Personne ne sait exactement ce que les exciseuses font avec leurs instruments. Nous pouvons émettre l’hypothèse qu’au cas où les instruments sont utilisés pour plusieurs personnes, le risque de contamination des virus VIH/SIDA et de l’hépatite B est augmenté (p.30).

Complications à long terme en cas de type III

Infections de l’appareil reproducteur

Les infections partant de la vulve, en cas d’accumulations de sécrétions ou de sang, peuvent se propager et remonter à un niveau supérieur de l’appareil reproducteur. Ce type d’infection est trois fois plus élevé chez les femmes infibulées que chez les femmes qui ont subi une clitoridectomie. Les causes de ces infections génitales hautes sont plurielles : infection post opératoire, obstacle à l’évacuation normale des urines, sécrétions vaginales, infection de la plaie post accouchement. Douloureuses, ces infections peuvent aussi entraîner la stérilité par formation de tissu cicatriciel au niveau des trompes de Fallope (cf. schéma de l’anatomie de la femme, au point 1 de ce chapitre).

Obstruction chronique des voies urinaires

En cas d’infibulation avec suture des lèvres, la miction se fait très difficilement, en petites quantités à la fois, voire en miction « goutte à goutte ». Cela peut être la source d’infections urinaires à répétition ainsi que la formation de calculs vésicaux (p. 31).

Incontinence urinaire

« Les fuites urinaires sont très fréquentes chez les femmes infibulées, la vidange vésicale est incomplète et une infection chronique sous le capuchon de tissu cicatriciel peut rendre difficile le contrôle du sphincter » (p.31).

Selon un reportage du Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles (GAMS) sur le Mali, une jeune fille explique son vécu : « J’avais cinq ans lorsqu’on m’a excisée. Au cours de l’intervention, mon urètre a été endommagé et par la suite je suis devenue incontinente. J’ai dû arrêter l’école à cause des moqueries de mes camarades de classe qui ne supportaient plus mon odeur. J’avoue que je sentais l’urine partout sur mon corps » (Source : Reportage suivi au GAMS non diffusé à la télévision : pour une loi interdisant les MGF au Mali 2007, 9 avril).

VIH/SIDA, hépatite B et autres maladies hématogènes

Les incisions et sutures à répétition après les accouchements, les plaies micro ou macroscopiques dues aux rapports sexuels et le recours aux pénétrations anales, lorsque la pénétration vaginale est rendue difficile ou impossible par l’infibulation, tendent à faire augmenter le risque de transmission de l’infection à VIH, de l’hépatite B et de maladies hématogènes. Aucune recherche n’a encore confirmé ces faits (p. 31).

Sténose de l’orifice vaginal

Chez la femme infibulée, l’orifice vaginal peut être si petit qu’il finit presque par se refermer, au bout d’un certain temps. Cela peut évidemment provoquer une évacuation imparfaite des urines, voire aussi une rétention du sang menstruel (hématocolpos). Dans ce genre de situations, les rapports sexuels sont impossibles. (p.31)

Lésions des organes voisins

Chez une femme infibulée, le risque d’avoir des lésions est assez grand lors des rapports sexuels forcés ou par désinfibulation brutale (rapports sexuels ou accouchement). Selon un reportage de la chaîne de télévision ARTE, en février 2007, un Soudanais a expliqué avoir pris un couteau pour déchirer la cicatrice de sa femme, n’ayant pas eu une pénétration aisée.

Complications lors du travail et de l’accouchement

« Lors d’un accouchement, la femme doit être désinfibulée pour permettre à la tête du nouveau-né de sortir du vagin. Cela augmente le risque d’hémorragie et d’infection de la plaie » (pp. 31-32). Si aucune personne expérimentée n’est présente pour effectuer la désinfibulation, le travail peut être prolongé, avec des risques de complications modérées à graves pour la mère et pour l’enfant. Aucune étude à ce jour ne peut nous renseigner sur les conséquences périnatales liées à l’infibulation. Néanmoins, différents cas ont été rapportés : ouverture de la cicatrice vulvaire, déchirures du périnée, souffrance du fœtus, création de fistules entre la vessie et le vagin ou entre la vessie et le rectum, lacérations graves des muscles anaux, traumatisme de l’appareil urinaire (l’urètre peut même être arraché de la vessie).
La présidente de l’Association Malienne pour le Suivi et l’Orientation des Pratiques Traditionnelles (AMSOPT), dans sa lutte contre l’excision, raconte :[…]« J’ai pris conscience de ce problème à 26 ans quand j’étais enseignante : j’ai vu une jeune fille du lycée rejetée par sa famille car soupçonnée d’avoir « fauté » et d’être enceinte. En fait, elle était excisée et infibulée, elle avait une infection terrible car le sang menstruel ne pouvait pas s’écouler. Elle n’osait pas en parler, son ventre était énorme, prêt à éclater. On l’a amenée d’urgence à l’hôpital, trop tard. Ils n’ont rien pu faire pour elle, elle est morte d’une septicémie » (Sidibé, 2002, p. 20).
Dans un autre exemple est rapporté le cas d’une femme nigériane multipare de 23 ans, excisée la veille de son accouchement. Elle mit au monde une petite fille vivante, mais la plaie de l’excision s’étant infectée, elle tomba dans le coma et mourut quatre jours plus tard (OMS, p.26-27).

En résumé, « la pratique de l’excision entraîne de graves complications pour les femmes lors de l’accouchement et un taux de mortalité plus élevé pour les nouveaux-nés. Risques de césarienne et d’épisiotomie (incision volontaire faite lors de l’accouchement pour prévenir une déchirure du périnée) pendant l’accouchement, fortes hémorragies et hospitalisations prolongés après la naissance, figurent parmi les principales complications pour les femmes qui ont subi des mutilations génitales, indique un communiqué de l’OMS à Genève. […] Le risque de césarienne est de 30% supérieur à celles qui n’ont subi aucune mutilation. De même, le risque d’hémorragie après la naissance est 70% fois plus élevé » (Genre action, 2007, 28 septembre).
La même étude montre que les bébés dont la mère a subi une mutilation ont plus souvent besoin d’être réanimés. Le taux est de 66% plus élevé chez les femmes ayant subi une mutilation de type III.
De même, le taux de mortalité des bébés pendant et immédiatement après l’accouchement est beaucoup plus élevé lorsque la mère a subi une mutilation.
La surmortalité est de 15% dans le cas des mutilations de type I, de 32% dans le cas des mutilations de type II et de 55% dans le cas des mutilations de type III (Genre action, 2007, 28 septembre).
Source : Genre action. Portail d’Information et de Ressources sur Genre et Développement.  (2007, 28 septembre). Les risques de l’excision. Accès : http://www.genreenaction.net/spip.php?article4163

Effet des MGF sur la sexualité de la femme

Encore peu d’études ont été effectuées pour évaluer les répercussions des MGF sur la sexualité féminine adulte. En résumé, nous pouvons identifier les points essentiels suivants :

  • Il n’y a apparemment pas de lien entre mutilation et âge du premier rapport sexuel, ni sur les relations sexuelles extraconjugales. Autrement dit, pour les tenants des mutilations qui pensent ainsi « rafraîchir » les ardeurs féminines, cela tombe à côté.
  • Les femmes ayant subi une mutilation de type III semblent en grande majorité (80%) ne pas connaître l’orgasme, voire en ignorent l’existence, contre 10% des femmes ayant subi une mutilation de type I.
  • Dans une étude menée au Caire, 29% des femmes ont dit n’éprouver aucun plaisir lors des rapports sexuels, 30% éprouvent du plaisir sans toutefois parvenir à l’orgasme et 41% en éprouvent et ont un orgasme fréquent. Aucune conclusion claire n’a pu être établie entre mutilation subie et vie sexuelle ; il s’agit d’être très prudent avec les données recueillies car le conditionnement social et les relations matrimoniales font effet de facteurs parasites.
  • Il semble aussi que les femmes ayant eu des expériences sexuelles avant leur mutilation répondent de manière positive aux avances de leurs partenaires sexuels.

« Il ressort de toutes ces observations que les mutilations sexuelles, quelles qu’elles soient, ont une certaine incidence sur la réponse sexuelle de la femme sans toutefois exclure forcément le plaisir sexuel, voire même un orgasme. ». (pp. 36-37) D’une part, certains tissus sensibles de la région du clitoris, région richement innervée, rappelons-le, peuvent être épargnés lors de la mutilation et, d’autre part, la sensibilité générale des zones érogènes autres que les organes génitaux proprement dits augmenterait suite à la mutilation, particulièrement chez les femmes ayant un partenaire attentionné.
Il est évident que des études mieux conçues sont indispensables pour comprendre davantage l’influence des mutilations sur la vie sexuelle de la femme adulte. (p. 37)

Effet des MGF sur la sexualité de l’homme

Il est certainement utile et intéressant d’avoir des informations sur la sexualité des hommes ayant des partenaires sexuelles mutilées, dans le cadre de ce mémoire puisqu’un des intérêts se porte sur la vie du couple.
Les hommes rapportent que les rapports sexuels avec une femme ayant subi une mutilation sexuelle génitale, peuvent être déplaisants en ce sens qu’en tant qu’hommes, ils ne peuvent se laisser aller car ils doivent constamment faire avec la douleur de leur épouse ; ils doivent ainsi continuellement se contrôler, ce qui rend les rapports sexuels peu faciles et peu libres.
Il convient de noter cependant que la notion de plaisir sexuel est variable selon la culture, le contexte général et la personne elle-même. Par exemple, « en Somalie et au Soudan, forcer pour pénétrer une femme ayant une infibulation serrée est considéré comme un signe de masculinité et de virilité ». (p. 38)
Pour d’autres hommes, la douleur et la souffrance morale engendrées par des rapports sexuels de ce genre peuvent finir par mener à l’impuissance.
Les hommes peuvent aussi chercher des relations extraconjugales avec des femmes non mutilées, qualifiées de « chaudes » ou « d’entières ». En conséquence, les MGF peuvent être la source, au sein du foyer, de tensions plus ou moins graves, menant parfois au divorce.
Selon une étude avec des hommes polygames (ayant une épouse mutilée et les autres non) 88,7% préféraient avoir des rapports sexuels avec leurs épouses non mutilées ou celles ayant une mutilation de type I car « ils en avaient assez du calvaire que représente une pénétration rendue de plus en plus difficile par le développement de la zone cicatricielle indurée après chaque accouchement ». (p. 38). Seule une petite minorité, 12%, préfère les femmes infibulées.

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