Fertilité et sexualité - Georges-Antoine de Boccard
La vasectomie sans scalpel
"no-scalpel vasectomy"
Georges-Antoine de Boccard
Fondation Genevoise pour la Formation et la Recherche Médicales
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La contraception masculine est un thème important depuis plusieurs siècles et le premier pas dans son sens a été l’apparition des condoms au 17ème siècle, à l’origine dans un but de protection contre les maladies vénériennes durant les guerres qui ravageaient l’Europe, mais également pour éviter les grossesses et le célèbre séducteur Casanova découvre les «fines redingotes d’Angleterre» (plus tard appelées capotes anglaises) à Genève en 1760 (1). La découverte au 19ème siècle du fait que la section du canal déférent n’entraînait pas de perturbation dans le fonctionnement des testicules a peu à peu amené la notion de vasectomie.
Anatomie et Physiologie
La fonction du canal déférent est connue depuis des temps anciens, les grecs l’appelaient spermatikoi poroi, son anatomie est décrite par Vésale (2) et sa physiologie expliquée partiellement par de Haller : « et nunc ductus est deferens…& cum funiculo ascendit…» (3).
Ce sont principalement les vésicules séminales et dans une moindre part la prostate qui produisent le sperme tel qu’il est émis lors de l’éjaculation. Les testicules n’en fournissent qu’une infime partie, une microgoutte contenant les spermatozoïdes, qui va être ajoutée au sperme au moment de l’émission.
Les spermatozoïdes sont produits par les testicules à partir d’une couche cellulaire en permanente activité : l’épithélium germinatif. Après un lent processus de mûrissement sur plusieurs mois, les spermatozoïdes sont transportés et mûris dans l'épididyme, petit organe de stockage situé derrière le testicule, puis s’engagent dans le canal déférent qui chemine tout d’abord sous la peau du scrotum avant de remonter dans l’aine et enfin pénétrer dans l’abdomen ou il rejoindra la prostate. Près de son abouchement un petit renflement appelé ampoule du déférentstocke les spermatozoïdes et contient un volume suffisant pour assurer la fertilité environ deux mois après l’arrêt du transport. Les vésicules séminales, placées symétriquement sous la vessie apportent au sperme son volume et du fructose nécessaire aux spermatozoïdes.
C’est au niveau de son passage sous la peau, dans le haut des bourses ou scrotum, que le canal déférent peut être retrouvé facilement et sectionné. Le contenu de l’ampoule du canal déférent explique pourquoi il est nécessaire d’attendre plus de deux mois avant d’obtenir l’effet contraceptif souhaité.
Histoire de la vasectomie
Depuis maintenant plus d’un siècle le principe de la vasectomie ou section du canal déférent est connu et appliqué de façon croissante. A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème la vasectomie était pratiquée dans des buts divers, bien sûr comme moyen de contraception mais aussi pour retarder l’évolution du prostatisme et pour revitaliser la sexualité défaillante et des personnages aussi célèbres que Sigmund Freud y ont eu recours. On peut aisément comprendre que la crainte des grossesses au sein du couple ou à l’occasion d’aventures extraconjugales puisse entraîner une lente baisse de la libido menant éventuellement à l’impuissance.
A l’origine la vasectomie est effectuée sous anesthésie générale par deux incisions situées sur le haut du scrotum à gauche et à droite. Après avoir lié les canaux déférents ces incision doivent être fermées par des points de sutures.
En 1974 une nouvelle méthode de préparation du canal déférent et de vasectomie a été développée en Chine par le Dr Li Shunqiang de l’institut de Recherche en Planning Familial, dans un pays ou la vasectomie est obligatoire après le premier enfant. Cette technique dite « no scalpel – sans scalpel » s’est répandue dans l’orient puis est introduite aux USA en 1985 par le Dr Goldstein (4). Elle est pratiquée en Europe par encore très peu de chirurgiens depuis 1996.
La méthode « no scalpel » prend moins de temps et provoque moins de complications que la technique traditionnelle avec deux incisions décrite ci-dessus. Deux études effectuées en Thaïlande en 1990 puis au Royaume uni en 1996 l’ont démontré.
Technique chirurgicale
Le patient est confortablement couché sur le dos. Quelques poils qui pourraient gêner sont rasés et le scrotum et ses alentours sont désinfectés à l’aide d’une solution non irritante. Le chirurgien trouve par la palpation le canal déférent gauche et le maintient entre deux doigts contre la peau, au milieu du scrotum où se trouve généralement une ligne brune verticale. La peau est anesthésiée par une injection de Xylocaïne puis le canal déférent lui-même. Un instrument spécial permet d’ouvrir et d’écarter la peau sans la couper puis de créer un passage jusqu’au canal déférent qui est ensuite saisi à l’aide d’une pince en forme d’anneau. Le canal est progressivement dégagé de ses enveloppes qui sont laissées intactes, notamment les vaisseaux sanguins qui accompagnent le canal ne sont pas abîmés. Une fois le canal isolé, il forme une boucle qui sort par la minuscule ouverture. Un petit segment est réséqué et les deux extrémités sont liées. Une fois la manœuvre terminée, le canal sectionné retrouve spontanément son emplacement. Par la palpation le chirurgien trouve ensuite le canal droit qui est amené sous l’orifice déjà crée. Un complément d’anesthésiant est injecté de ce coté et le canal est extériorisé de la même manière qu’à gauche, sectionné et lié.
A la fin de l’intervention, la petite plaie se referme d’elle-même par l’élasticité de la peau et il n’est pas nécessaire de mettre un point de suture à ce niveau. Il est recommandé de rester étendu pendant 10 minute afin d’éviter un hématome.
Avantage de la technique sans scalpel
Une étude (5) parue dans le Journal of Urology en 1999 a comparé les méthodes ouverte et sans scalpel. 1429 hommes ont été répartis en deux groupes et la moitié a été opérée par la méthode classique consistant à inciser la peau alors que l’autre moitié a bénéficié de la nouvelle méthode. L’efficacité de deux méthode a été identique en ce qui concerne la stérilisation en revanche dans le groupe sans scalpel le saignement a été réduit de 85%. Le groupe sans scalpel a pu reprendre une activité sexuelle plus rapidement. La douleur pendant et après l’opération est nettement réduite et l’intervention elle-même dure moins longtemps
Complications possibles
La vasectomie, même sans scalpel, est une intervention chirurgicale et les complications classiques de tout acte peuvent se produire, comme un hématome ou même une infection. Ces deux phénomènes sont cependant très rares et n’entraînent généralement aucune conséquence à long terme.
Dans les semaines qui suivent la vasectomie, les patients ressentent généralement une tension dans l’épididyme, derrière les testicules, en raison du blocage de l’écoulement des spermatozoïdes. Un équilibre se crée cependant en quelques semaines et, bien que le canal reste un peu plus gros, toute gène ou douleur disparaît. En ce qui concerne d’éventuels changements dans la vie sexuelle, ils sont plutôt positifs avec généralement une augmentation de la libido et de la fréquence des rapports (6).
Précautions et recommandations
Les spermatozoïdes stockés dans l’ampoule du canal déférent seront éliminés progressivement dans un délai de deux à trois mois. Il est donc nécessaire de continuer la contraception habituelle pendant cette durée afin d’éviter une grossesse non désirée. La stérilisation est obtenue dans environ 98% des cas, il est donc important d’effectuer une analyse du sperme 2 mois après la vasectomie afin de s’assurer de l’absence de spermatozoïde et d’éviter une grossesse non désirée.
Bien que l’intervention en anesthésie locale n’ait pas de conséquence physique majeure, il est recommandé de se reposer durant les heures qui la suivent. Ceci évitera des hématomes et assurera une évolution plus rapidement favorable. Il est possible de se doucher dès le lendemain. Les rapports sexuels sont également autorisés dès le lendemain.
Cadre Légal
En Suisse, la vasectomie est légale depuis de très nombreuses années. Aux Etats-Unis la vasectomie a été l’objet de débats houleux avant d’être légalisée en 1972 en même temps que dans le Royaume Uni. La Turquie la légalise en 1983 alors qu’en France la vasectomie a longtemps été interdite, assimilée à une mutilation volontaire. Ce n’est que depuis 2001 que la loi l’autorise dans un cadre médical défini et après un délai de réflexion de 4 mois (7).
La vasectomie est réversible
Longtemps la vasectomie a été considérée comme définitive et irréversible. Ce n’est plus vrai depuis de nombreuses années et la microchirurgie permet maintenant de rétablir la fertilité pour ceux qui souhaitent avoir à nouveau des enfants. De nombreux travaux (8) citent un taux de réussite de la recanalisation de 85 à 90% avec un taux de grossesse d’environ 60%. Il est évident qu’il ne faut en aucun cas envisager une vasectomie dans un but de contraception temporaire mais il est rassurant de savoir qu’en cas de changement radical dans la vie ce geste n’est pas définitif.
Conservation du sperme
La vasectomie doit être envisagée dans un but de stérilisation définitive, et la conservation du sperme n’est généralement pas effectuée. Pour ceux qui le souhaitent il est cependant toujours possible de congeler le sperme qui sera conservé. Si une grossesse est désirée, ce sperme pourra être utilisé pour pratiquer une insémination artificielle.
Bibliographie
- Casanova G.: Histoire de ma vie, Robert Laffont édit. Paris, vol. 2, 417, 1993.
- Androutsos G. : L’appareil urogénital mâle dans les planches anatomiques d’André Vésale (1514-1564). Andrologie, 14(1) : 73-8 ,2004.
- De Haller A.: Primae lineae Physiologia, Vandenhoeck edit. Göttingen, p450, DCCCXIX, 1780.
- Li S., Goldstein M., Zhu J. and Huber D.: The no-scalpel vasectomy. J.Urol., 145:341, 1991.
- Sokal D., McMullen S. & al.: A comparative study of the no scalpel and standard incision approaches to vesectomy in 5 countries. J.Urol, 162, 1621-1625, 1999.
- Garrison P., Gamble C.: Sexual effect of vasectomy. J. Am Med Assoc. 144(4), 1950.
- Stérilisation à visée contraceptive. J.O n° 156 du 7 juillet 2001 page 10823.
- De Boccard G.A.. et Rochat C.H. : Non, la vasectomie n’est pas irréversible! Congrès de la Société Suisse d’Urologie, 1992.